De l'appropriation
Dans la création artistique, la pratique de l’appropriation consiste à travailler sur l’image : la sienne, celle des autres, mais aussi sur le travail d’autres artistes. Ces artistes interrogent le genre, l’identité et l’unicité.
Elaine Sturtevant (1930-2014) est une artiste américaine. Au milieu des années 60 elle met à mal la notion d’originalité de l’œuvre d’art en produisant une série d’œuvres qui sont des reproductions d’œuvres d’autres artistes : Jasper Johns, Franck Stella, Andy Warhol … Pour réaliser ses œuvres, elle s’impose de suivre les processus de création de ces artistes dont elle répète les gestes. Ses œuvres ne sont pas des faux, car elle les signe. En outre, elle les fait de mémoire, elles comportent donc une marge d’inexactitude . L’enjeu est donc plus intellectuel que plastique car il s’agit pour cette jeune artiste de poser la question de l’originalité comme valeur absolue, au sein du milieu artistique américain fortement dominé par les hommes, tous puissants.
Elle suscite alors l’hostilité de tous, mais cela n’a pas d’effet sur elle. Sturtevant ne remet pas en question la création de ces artistes mais interroge plutôt la question physique de l’œuvre comme un tout unique provenant d’un créateur également unique.
Je vous entends me dire : elle montre que n’importe qui peut faire une œuvre d’art contemporain. Mais je dois vous répondre non. Car finalement ici il n’est pas question du résultat ni de l’objet, mais bien de l’intention… Sturtevant réfute être une artiste appropriationniste, elle s’écarte du schéma traditionnel de la production d’œuvres uniques disponibles en tant que telles dans le marché de l’art en ouvrant les portes d’une autre manière de créer, une autre manière d’être un artiste au XXème siècle, elle remet totalement en cause la production massive d’œuvres pour un marché sans cesse plus affamé.
D’ailleurs, les questions qu’elle pose alors sont d’une actualité troublante au vu des productions quasi industrielles de certains artistes contemporains aujourd’hui …
Warhol Diptych, 1973-2004. (Photo Galerie Thaddaeus Ropac, Paris Salzburg)
Ici elle convoque le Nu descendant l’escalier de Marcel Duchamp et reproduisant l’action de la figure du tableau. C’est un des rares exemples d’œuvres où elle se met en scène.
Flag after Jasper Johns, 1967, journaux, photographie et cire sur toile, 56,5 x 49,2 cm, collection particulière