Elie Lascaux, un enfant du Paradis

Il est un peintre que j’aime beaucoup et dont je suis heureuse de vous parler aujourd’hui : Elie Lascaux.

Elie Lascaux vient à la peinture alors qu’il vit à Montmartre et côtoie Max Jacob et Suzanne Valadon au début des années 1910. Il fait la Grande Guerre puis rencontre Daniel-Henri Kahnweiler qui devient son marchand. Lors des « dimanches de Boulogne » — salon mondain organisé par Daniel-Henri Kahnweiler chez lui à Boulogne de 1921 à 1927 — il rencontre Béro (Berthe) Godon, la sœur de Lucie, épouse de Kahnweiler. Il l’épouse et ils ont une fille : Germaine. Celle-ci a pour parrain Paulo Picasso, fils de Picasso et d’Olga Khokhlova.

Lascaux aime les autres, il aime les « choses », et c’est avec cette affection qu’il peint. Tous les sujets peints par Lascaux sont « aimés » de lui et il leur confère, par le fait d’être représenté sur ses toiles, cette immortalité dotée d’âme. Il créé un univers fantastique dans lequel chaque détail a son importance. Dans beaucoup de ses tableaux on peut voir ce que Juan Gris appelait des rimes visuelles, outil suprêmement poétique : des éléments graphiques se retrouvent sur des plans différents du tableau, se faisant écho. Dans La Maison de l’Homme Plume, la touche « allongée » du pinceau, rappelant un plumage (celui du sujet principal du tableau) se retrouve aussi bien sur les murs que dans le ciel ; dans Saint Michel à Vauxelles ; les ondes nuageuses du ciel répondent à celles minérales des murs du village et de l’église, tant par la forme que par la couleur ; dans l’Abbaye aux Dames, le mur en escalier du premier plan a son double qui apparaît dans le ciel, des nuages en escalier s’élèvent au dessus de l’Abbaye. Ainsi, ce que l’on voit est ce qui est représenté mais est aussi autre chose. Le ciel n’est pas seulement le miroir de la terre. Elie Lascaux peint les hommes et leurs vies, la facture est réaliste, mais un autre mystère se joue, ailleurs, plus haut, au ciel. Elie Lascaux est croyant, mais il ne s’arrête pas à la référence au mystique. Encore une fois, Elie Lascaux est un homme de la vie, aimant la terre et les hommes qui la font. Il ne peint pas de paysages à proprement parler, il peint des créations humaines, et la nature nue ne l’intéresse que comme un recours graphique permettant de servir son propos. La manière qu’il a de représenter son univers indique bien que nous sommes dans une autre réalité…

Daniel-Henri Kahnweiler écrit que Lascaux peint ses tableaux de haut en bas par bandes horizontales. Comme si l’œuvre pré-éxistait à sa réalisation. Comme les sculptures que Miquel-Ange « libérait » du bloc de pierre. Lascaux a su trouver le chemin vers son imagination, il a su la construire visuellement et en faire son art, libre de théories et de querelles de penseurs. Cette absolue liberté de création est certainement ce qui a été le plus reconnu — voire peut-être envié — par ses compagnons artistes et poètes (Max Jacob, Antonin Artaud, André Masson, Juan Gris, Michel Leiris …).

En 1958 naît son petit-fils Xavier et il décide de lui dessiner ses mémoires. Il réalise durant les 10 dernières années de sa vie un ensemble de cahiers de mémoires dessinées, témoignage émouvant mais aussi source incroyable d’information sur une époque. On y voit tour à tour des dessins de la Grande Guerre, le combat entre Dada et Surréalistes, son mariage, un 14 juillet à la libération… Il est incontestablement une figure singulière de la peinture de son temps, admiré et aimé de tous, tant pour cette personnalité douce et bienveillante que pour cette création si vibrante d’humanité.

La Maison de l’Homme Plume, 1925, Huile sur toile, 46x61cm, Centre Pompidou, Donation Louise et Michel Leiris, 1984

La Maison de l’Homme Plume, 1925, Huile sur toile, 46x61cm, Centre Pompidou, Donation Louise et Michel Leiris, 1984

Le Moulin du gos, 1940, Huile sur toile, 54x72,7 cm, Centre Pompidou, Donation Louise et Michel Leiris, 1984

Le Moulin du gos, 1940, Huile sur toile, 54x72,7 cm, Centre Pompidou, Donation Louise et Michel Leiris, 1984

L’Abbaye aux dames, 1931, Huile sur toile, 50,5x61cm, Collections particulière

L’Abbaye aux dames, 1931, Huile sur toile, 50,5x61cm, Collections particulière


Saint-Michel à Vauxelles, 1931, Huile sur toile, 63,5x52,5 cm, Collection particulière

Saint-Michel à Vauxelles, 1931, Huile sur toile, 63,5x52,5 cm, Collection particulière