Un autre Picasso politique
Entre le 1er mai et le 4 juin 1937, Picasso peint Guernica. Il est sa réponse au bombardement sauvage par les légions Condor d’Hitler du petit village basque martyre du nom de Guernica. La révolte que lui inspire cet acte répugnant se traduit sur cette immense toile de 3x7 mètres environ. Cette toile est tout d’abord une commande pour le Pavillon Espagnol à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1937 à Paris. On sait par les dessins d’études préparatoires que pour cette commande Picasso travaille tout d’abord à une composition avec deux femmes. Lorsque la France déclare qu’elle n’interviendra pas dans la Guerre Civile Espagnole, un poing levé apparaît au milieu de la composition. Sa révolte est grande, contre Hitler, contre Franco, contre le fascisme, mais aussi contre ceux qui laissent faire. Le bombardement lui fait changer entièrement sa composition.
Durant un mois, il se lance dans la réalisation de cette grande toile qui réunit toutes les figures de son travail et de ses recherches mais aussi toute l’Espagne blessée. La composition du Guernica ressemble d’ailleurs étrangement à celle inversée de sa propre Minotauromachie de 1935.
Un tel tableau ne peut rester dans une France bientôt occupée par les Allemands, il fait le tour du monde, d’exposition en exposition, puis est confié à la garde du MoMA de New York pendant plus de 40 ans, jusqu’à sa restitution à l’Espagne en 1981. Restitution encore problématique comme on peut le voir dans deux lettres de Picasso à Roland Dumas dans lesquelles il insiste : « Mon désir a toujours été le même. Ce tableau doit revenir à l’Espagne, mais seulement au jour où un Gouvernement Républicain aura été réinstallé dans mon pays d’origine. » Et nous savons tous que L’Espagne n’est pas une République ....
Après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, en 1946, Picasso peint Monument aux Espagnols morts pour la France. Dans cette œuvre, parodique de l’esprit souvent pompeux en France pour commémorer les héros de guerre, Picasso rappelle que des Espagnols, fuyant le franquisme, se sont engagés dans la Résistance pour aider à libérer la France, tandis que la France a tourné le dos aux Espagnols et n’est pas intervenue pour libérer la République Espagnole du joug fasciste. Dans cette œuvre, il se substitue au Gouvernement Français, lui montrant ce qu’il n’a pas fait. Comble de l’ironie du sort, le gouvernement Français a négocié la donation de cette œuvre par la famille à ... l’Espagne ! Ainsi, on ne rappelle pas leur histoire aux Français et on « honore » faussement l’Espagne.
Nous restent ces chefs-d’œuvre qui toujours nous font réfléchir et nous poser les mêmes questions, siècle après siècle.
Pablo Picasso, Guernica, 1937, huile sur toile, 349,3 × 776,6 cm, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid. ©Sucession Picasso 2021
Village de Guernica après le bombardement du 26 avril 1937
Pablo Picasso, Minotauromachie, 1935, eau-forte, grattoir et burin sur cuivre, 498 x 693 mm au coup de planche. © Succession Picasso 2021
Pablo Picasso, Monument aux Espagnols morts pour la France, 1946, huile sur toile, 195 x 130 cm, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid. ©Succession Picasso 2021